Pour une pratique régulière de l’écriture
Il y quelques années, j’ai commencé à avoir une pratique plus régulière en écriture en faisant l’exercice des pages du matin que Julia Cameron propose dans Libérez votre créativité.
Je n’ai jamais été une grande adepte des méthodes : une méthode pour apprendre l’anglais, une méthode pour gérer le stress ou encore une méthode pour arrêter de fumer. J’ai abordé le livre Libérez votre créativité de Cameron avec un certain scepticisme, car il m’a toujours semblé que le processus créateur devait se développer de manière plus personnelle et plus organique.
En découvrant la proposition de Cameron au sujet de l’écriture, j’ai décidé de lui donner sa chance. C’était l’été, c’était les vacances, j’étais dans des conditions qui me permettaient de l’essayer.
Les pages du matin
C’est simple, mais c’est un défi intéressant. Il s’agit d’écrire, tous les matins, trois pages manuscrites. Ces pages ne sont pas censées être bien écrites ou même être considérées comme de l’écriture. Cela est plus proche du lessivage de ses pensées.
Le critique intérieur
La grande réussite de cette pratique dans mon travail a été de m’aider à mettre de côté le censeur qui était toujours présent dans mon processus. Vous savez, cette petite voix qui toujours vous convainc que ce que vous êtes en train de faire est mauvais, que cela ne vaut pas la peine et que, franchement, vous devriez abandonner, car vous n’avez aucun talent ! Cette petite voix qui vous empêche de prendre votre envol et qui vous fait hésiter à chaque début de phrase ou à chaque geste à poser. Il n’y a rien de pire que ces interruptions qui vous empêchent de vous abandonner au momentum, le moment où plus rien n’existe et que vous ne faites que suivre le flux. Faire les pages du matin m’a permis de laisser derrière le critique exécrable qui s’amuse à imiter ma voix et mes intonations. Et m’a permis d’aller au bout de l’écriture de La tête pleine de trous.
Pratiquer l’écriture tout simplement, c’est-à-dire poser sur le papier des phrases mises bout à bout. Telle était la proposition et l’exploration. Mais au bout d’un certain temps, tout ce que je mettais par écrit était teinté de mon esprit le plus négatif. Mes plaintes et mes apitoiements ont eu raison de ma constance.
Writing Down the Bones de Natalie Goldberg
Alors j’ai repris le livre Writing Down the Bones de Natalie Goldberg, Pourquoi écrire va vous rendre heureux dans une toute nouvelle traduction française, que j’avais lu une vingtaine d’années auparavant. La pratique proposé par Goldberg a entraîné un glissement vers une écriture plus imaginative, plus créative et beaucoup plus libre.
Écrire sans que la main ne s’arrête
Dans les quelques règles qu’elle propose, l’une des deux plus importantes, selon moi, est d’abord celle qui prescrit de toujours garder sa main en mouvement pour écrire dans un temps déterminé à l’avance. Par exemple, si vous décidez d’écrire pendant dix minutes sur un thème choisi, votre main devra tracer des lettres, des mots, des phrases sans arrêt pendant les dix minutes. Donc, pas le temps de décider, pas le temps de réfléchir, pas le temps de censurer. La main peut bouger lentement sur le papier, mais elle ne doit pas s’arrêter.
Permission d’écrire la pire scrap
L’autre règle, qui est nécessaire à la première, est de se donner la permission d’écrire la pire scrap que vous pouvez imaginer. (J’ai essayé de trouver un mot pour remplacer scrap, mais ordure ne m’apparaît pas suffisant. J’aime la référence à la cour à scrap. Imaginez un texte comme une cour à scrap.) Vous comprendrez que vous devez vous donner cette permission puisqu’écrire sans s’arrêter peut parfois donner des résultats désolants. Mais cela peut aussi produire des textes qui ont du souffle, des textes pleins de vitalité, des textes qui ont du swing.
Lecture à voix haute
Natalie Goldberg propose également, comme dans d’autres groupes d’écriture, de lire nos textes aux autres participants. Évidemment que j’ai du plaisir à lire à voix haute, mon passé théâtral est encore vivant. Mais ce n’est pas que cela. Souvent, nous avons l’impression d’avoir écrit un très mauvais texte qui n’a aucune qualité et, pourtant, quand on l’entend, on découvre son rythme, ces assonances, sa vitalité. Il y a là une autre façon puissante d’apprendre à ne pas se fier à notre censeur, mais à plonger ou à sauter dans un espace que nous craignons trop souvent.
Dans tout ça, l’important, c’est le plaisir, c’est jouer à se surprendre, jouer à défier son imagination, jouer à faire des assemblages extravagants avec les mots pour vérifier seulement si cela est possible.