Un.e artiste au travail est souvent envahi.e par le doute, poursuivi.e aussi en certaines occasions. Le doute apparaît même dans les rêves ou dans le demi-sommeil.
Pour ma part, à ce moment-ci, le doute se manifeste ainsi : quand j’écris, je me dis que je devrais être en train de travailler sur mes dessins ou mes broderies. Quand je dessine, j’ai l’impression d’y passer trop de temps et que le fait de délaisser mes projets d’écriture va m’empêcher de progresser. Et vice versa… Et cela tourne en boucle. Voilà comment je me retrouve dans une situation inconfortable tous les jours, envahie par le doute.
Diagnostic probable : j’ai une addiction au doute.
Le doute ordinaire est en quelque sorte inaltérable. Émotion ou sentiment? Cela n’a pas d’importance. Nous savons le reconnaître tout simplement et, je ne sais pas pour vous, mais dans mon cas, il apparaît assez souvent. Dans la pratique des arts, le doute est sûrement (ou peut-être?) nécessaire.
Mais dans la valse paralysante qu’il provoque quand nous voudrions être certain.e de faire le bon choix, là le doute nous fait perdre notre temps. Et c’est ici qu’il est important d’appliquer un traitement. Car que nous fassions une chose ou une autre, jamais nous ne pourrons déterminer avec précision quelle aurait pu être la meilleure décision. Pour faire un choix, nous devons inéluctablement abandonner une chose, en faire le deuil. Rien à faire! Car le refus de choisir provoque un sentiment d’impuissance.
Pour un temps, mettre sur pause un projet afin de se concentrer sur l’autre ne devrait pas être si difficile. Et pourtant, ça l’est… Je suis certaine que vous en avez aussi l’expérience.
Alors quel peut bien être le traitement à prescrire pour cet inaltérable, ce PVC de l’esprit?
LA SOLUTION
Vivre avec, tout simplement!
Je sais, je sais, c’est un peu décevant comme ordonnance. Vous vous attendiez sûrement à un meilleur conseil, à une recommandation plus définitive. Mais voilà mes ami.e.s, le doute ne s’efface pas, ne meurt pas, ne se soigne pas. Il réapparaît en diverses occasions, il est rusé et prend plaisir à nous tourmenter.
Alors, pourquoi ne pas l’observer, en définir les contours, apprendre à le connaître, identifier sa texture, découvrir dans quelle partie de notre corps il se niche? Le laisser être. Puis continuer son chemin. Poursuivre, un petit pas à la fois malgré sa présence. Continuer, le laisser là, l’abandonner à sa joie d’exister et de se manifester.
Et se répéter la petite phrase proposée par la poète Szymborska : «Je ne sais pas». Vous pourriez en profiter pour aller écouter cet extraordinaire discours de réception du prix Nobel qu’elle a prononcé. J’en fais la lecture dans cette vidéo. C’est long, mais cela en vaut la peine, je vous assure.
Et cette petite phrase, je la répète comme un mantra. Je ne sais pas si je fais le bon choix. Je ne sais pas si le projet sur lequel je travaille sera réussi. Je ne sais même pas si je dois poursuivre.
Et je continue. Je me lève avec le doute au creux du ventre et je me dirige vers ce dessin qui est la suite de mon exploration visuelle et je m’entête à aller jusqu’au bout. Je m’installe devant mon ordinateur et je fais des phrases. Voilà comment je ne suis plus prisonnière de la force paralysante du doute. Et ce n’est pas confortable…
Mais j’apprends à vivre avec l’inconfort que suscite l’incertitude. Voilà peut-être la leçon la plus importante qu’un.e artiste doit apprendre pour persister.
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