Texte de Valérie Gill, tirée du catalogue Les flâneurs, 1re édition, Voir à l’est, Art Contemporain, 2012 p. 9-10
« L’œuvre de Diane Dubeau est située à gauche du sentier principal, proche de la rive, et au pied d’une petite pente menant vers le Platin. Où se cache la bête? consiste en un tableau/sculpture autoportant grand format, un assemblage en contreplaqué au contour fortement découpé, et dont chacune des deux faces comporte une image différente.
Au recto de l’œuvre, l’image est constituée de papier peint domestique dont les motifs et les teintes se fondent par camouflage dans le paysage environnant. De plus, quelques ouvertures pratiquées dans cette forme permettent d’apercevoir à travers la structure des buissons feuillus devenus ainsi partie intégrante de cette même image.
Au verso, l’image révèle un groupe de chasseurs armés, correspondant précisément à la silhouette de toute cette structure. Sur un fond entièrement noir, l’artiste a tracé les différents personnages avec une peinture jaune fluorescente qui rappelle les vestes ou les bandes réfléchissantes que portent les chasseurs à la tombée du jour. Parmi ce groupe, où les chasseurs vus de dos s’imaginent être à l’abri des regards, on reconnaît également la silhouette emblématique du Patriote, ainsi qu’un chien dont le regard est tourné vers le flâneur qui observe cette scène.
Pour apprécier les deux images, le flâneur devra se déplacer d’un côté comme de l’autre de ce tableau/sculpture; il devra adopter deux points de vue différents, à 180 degrés, et, de façon métaphorique, « pivoter », en quelque sorte. Il remarquera également la tranche entre ces deux images, structurées en strates.
Diane Dubeau dresse l’analogie suivante entre la page du livre et le recto et le verso; pour l’artiste, un monde se déploie sur le recto et le verso du livre, un monde imaginé une première fois par l’auteur et un autre monde complètement nouveau dessiné par le lecteur. Surtout, c’est entre les deux, dans la tranche du livre, que se cachent des mondes beaucoup plus vastes que le monde réel. Entre le recto et le verso, c’est le lieu de tous les possibles, de tous les secrets, de toutes les pulsions.
Dubeau s’intéresse à cette pulsion d’agression qui est absolument nécessaire pour tuer un animal; avec la chasse, se cachent parmi les strates de la tranche non seulement cette pulsion d’agression mais aussi le plaisir plus ou moins avouable pris dans la mise à mort, ce qui expliquerait la nécessité de se camoufler. Avec Où se cache la bête?, Diane Dubeau emploie un dispositif de l’ordre du spéculaire pour nous révéler certaines strates de l’entre-deux : cette contradiction qui nous habite, celle du sauvage camouflé derrière la civilité de l’être humain. »
Exposition : Les flâneurs, Entre le recto et le verso, comissaire : Valérie Gill, Voir à l’Est – Art contemporain, Parc des Chutes, Rivière-du-Loup, 2012
Voici la liste des artistes que Valérie Gill avait réunis autour de sa thématique : Fernande Forest, Johanne Roussy, Denis Beauséjour et Louis-Pier Dupuis-Kingsbury, Karine Turcot, Émilie Rondeau, Diane Dubeau, Luc St-Jacques et François Bourdeau.
Crédit photographique : Diane Dubeau; photo 9 : Valérie Gill
Vous pouvez voir les photos de l’installation des œuvres sur le site, prises par David Guimont, en cliquant sur ce lien :
http://www.flickr.com/photos/davidguimont/sets/72157631057399674/with/7778476722/